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Présentation
Qu'est-ce
qui a amené un jeune cuisinier français, formé
à l'école traditionnelle, à saupoudrer nos
classiques culinaires d'épices et d'arômes exotiques
pour leur donner des accents raffinés, inédits ?
Je sais que ma démarche, très personnelle, ne va
pas de soi dans le monde des chefs. Elle ne vise pas à
apporter un bouleversement dans la cuisine, mais en elle en modifie
l'angle de vue, braque le projecteur dans une autre direction.
A chaque recette, je m'attache à exalter un plat de notre
répertoire ou un ingrédient classique de nos marchés
par des moyens inattendus, à donner une nouvelle tonalité
à un produit que l'on croyait connaître. J'aime reproduire
dans l'assiette, au moyen de dosages précis, le charme
particulier que les épices exercent sur moi. De mes voyages,
des leçons que j'ai tirées des parfums envoûtants
croisés sur mon chemin, j'ai retiré une quintessence
: les épices m'ont appris un langage que j'ai appliqué,
avec passion, à mon travail - en trouvant le bon ingrédient,
la bonne quantité, le bon moment. J'ai reçu une
formation classique de cuisinier et de pâtissier. Plus tard,
j'ai travaillé comme pâtissier chez Fauchon, puis
comme cuisinier dans divers restaurants gastronomiques, et notamment
à Saulieu, chez Bernard Loiseau, dont j'ai été
le second.
J'ai toujours été attiré par les cuisines
d'ailleurs, en particulier par celles de l'Asie du Sud-Est. Dans
mon travail, j'ai côtoyé des Japonais épris
de bonne chère et de raffinement. Nous nous sommes liés
d'amitié, et c'est ainsi qu'en 1979 j'ai entrepris de faire
un long séjour hors de France afin d'étudier les
cuisines de l'Asie orientale. Pendant cinq ans, j'ai sillonné
ces régions, en commençant par le Japon, où
j'ai retrouvé des amis qui se sont fait un plaisir de me
guider dans ma quête gastronomique. Ce fut ensuite la Malaisie
et Singapour, qui restent un peu mes coups de cur par leur
art de vivre et leur richesse culinaire. Après cela, je
me rendis en Indonésie, en Thaïlande, à Hong
Kong, en Corée et plus récemment en Chine. Tout
naturellement, à mon retour en France, j'ai essayé
de reproduire les saveurs magiques que j'avais expérimentées
au cours de mon périple.
Aujourd'hui au "PRE VERRE",
restaurant que j'ai ouvert avec mon frère Marc, ( 01
43 54 59 47 ), je reste fidèle à mes idées;
une cuisine saupoudrée d'épices et d'innatendus.
Le succès de mes mariages d'épices m'a incité
à écrire des recettes simples, à base d'ingrédients
courants, qui puissent être interprétées par
des gourmands pas nécessairement experts en art culinaire.
Ma démarche ne consiste pas à imiter les cuisines
orientales ou à rendre méconnaissables les plats
français. Je superpose à la base de notre tradition
culinaire des ingrédients et des tours de main venus d'ailleurs
afin d'en tirer un autre sentiment, un autre accent. C'est un
jeu fascinant qui élève et allège les saveurs,
accentue leur poésie et leur potentiel de rêve. L'épice,
selon l'emploi que j'en fais, accompagne le plat à différents
niveaux : parfois il s'agit d'arômes profonds et atténués,
créés pour une longue cuisson, et parfois c'est
un feu d'artifice de saveurs, ajouté au dernier moment,
qui éclate de façon surprenante. Souvent, un élément
épicé vient soutenir une préparation simple
(tarte aux pommes, vinaigrette, sauté de lapin) pour la
présenter sous un aspect inattendu. Mais le produit de
base, le thème du plat, est toujours présent et
intact. Dans les recettes qui suivent, seules les épices
apportent la note exotique: le savoir-faire est bien français,
et les produits de base sont ceux que l'on trouve couramment chez
nos commerçants, sur nos marchés ou en grande surface.
De même, en ce qui concerne les épices elles-mêmes,
il y en a peu qui soient difficiles à trouver. Poivre,
noix de muscade, cannelle, girofle, cari, cumin, carvi, vanille,
safran, poivre de la Jamaïque sont disponibles partout. Gingembre,
anis étoilé, cardamone, coriandre, curcuma, aneth
sont à peine moins quotidiens. Quant à la citronnelle,
aux feuilles de limetier, au poivre long, à la maniguette,
au poivre du Sichuan, à la fève tonka, au garam
masala et aux autres mélanges d'épices, la plupart
s'achètent dans les supermarchés asiatiques (indiens,
chinois, etc.) qui s'installent en nombre croissant. De plus,
je propose souvent des aromates de substitution pour le cas où
vous ne trouveriez pas ceux que je préconise en premier
lieu.
Comment accompagner ces plats ? Une idée reçue veut
que les épices soient difficiles à accorder avec
les vins. Ce n'est pas si simple ! Les Chinois pour ne citer qu'eux,
ont toujours apprécié les vins de raisin d'Asie
Centrale avec leur cuisine fortement aromatisée. Il est
inutile de se cantonner à la bière ou au sempiternel
rosé de Provence comme pis-aller avec les saveurs exotiques.
Rouge ou blanc ? Ce qui importe, c'est que le bouquet du vin complète
les accents des épices, leur soit complémentaire
sans forcément leur ressembler. Les arômes doivent
être complexes, et le vin, surtout en blanc, doit avoir
une composante charpentée, miellée, aromatique.
Le vin mlleux, sans excés de gras, est le bienvenu.
Il doit être doué de caractère afin de jouer
sa part de la symphonie épicée. Parmi les vins de
Loire (que j'affectionne particulièrement de par mes origines),
j'aime les Vouvrays, les Savennières, les blancs d'Anjou
; les Alsaces (gewurztramminer bien sûr, mais aussi Tokay,
Riesling, etc.) sont précieux, ainsi que les vins du Sud-Ouest,
de la basse vallée du Rhône et du Midi, souvent en
parfaite harmonie avec les saveurs épicées.
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