ma cuisine à fleur d'épices

Philippe Delacourcelle








Présentation


 

Qu'est-ce qui a amené un jeune cuisinier français, formé à l'école traditionnelle, à saupoudrer nos classiques culinaires d'épices et d'arômes exotiques pour leur donner des accents raffinés, inédits ?
Je sais que ma démarche, très personnelle, ne va pas de soi dans le monde des chefs. Elle ne vise pas à apporter un bouleversement dans la cuisine, mais en elle en modifie l'angle de vue, braque le projecteur dans une autre direction. A chaque recette, je m'attache à exalter un plat de notre répertoire ou un ingrédient classique de nos marchés par des moyens inattendus, à donner une nouvelle tonalité à un produit que l'on croyait connaître. J'aime reproduire dans l'assiette, au moyen de dosages précis, le charme particulier que les épices exercent sur moi. De mes voyages, des leçons que j'ai tirées des parfums envoûtants croisés sur mon chemin, j'ai retiré une quintessence : les épices m'ont appris un langage que j'ai appliqué, avec passion, à mon travail - en trouvant le bon ingrédient, la bonne quantité, le bon moment. J'ai reçu une formation classique de cuisinier et de pâtissier. Plus tard, j'ai travaillé comme pâtissier chez Fauchon, puis comme cuisinier dans divers restaurants gastronomiques, et notamment à Saulieu, chez Bernard Loiseau, dont j'ai été le second.
J'ai toujours été attiré par les cuisines d'ailleurs, en particulier par celles de l'Asie du Sud-Est. Dans mon travail, j'ai côtoyé des Japonais épris de bonne chère et de raffinement. Nous nous sommes liés d'amitié, et c'est ainsi qu'en 1979 j'ai entrepris de faire un long séjour hors de France afin d'étudier les cuisines de l'Asie orientale. Pendant cinq ans, j'ai sillonné ces régions, en commençant par le Japon, où j'ai retrouvé des amis qui se sont fait un plaisir de me guider dans ma quête gastronomique. Ce fut ensuite la Malaisie et Singapour, qui restent un peu mes coups de cœur par leur art de vivre et leur richesse culinaire. Après cela, je me rendis en Indonésie, en Thaïlande, à Hong Kong, en Corée et plus récemment en Chine. Tout naturellement, à mon retour en France, j'ai essayé de reproduire les saveurs magiques que j'avais expérimentées au cours de mon périple.


Aujourd'hui au "PRE VERRE", restaurant que j'ai ouvert avec mon frère Marc, ( 01 43 54 59 47 ), je reste fidèle à mes idées; une cuisine saupoudrée d'épices et d'innatendus.


Le succès de mes mariages d'épices m'a incité à écrire des recettes simples, à base d'ingrédients courants, qui puissent être interprétées par des gourmands pas nécessairement experts en art culinaire. Ma démarche ne consiste pas à imiter les cuisines orientales ou à rendre méconnaissables les plats français. Je superpose à la base de notre tradition culinaire des ingrédients et des tours de main venus d'ailleurs afin d'en tirer un autre sentiment, un autre accent. C'est un jeu fascinant qui élève et allège les saveurs, accentue leur poésie et leur potentiel de rêve. L'épice, selon l'emploi que j'en fais, accompagne le plat à différents niveaux : parfois il s'agit d'arômes profonds et atténués, créés pour une longue cuisson, et parfois c'est un feu d'artifice de saveurs, ajouté au dernier moment, qui éclate de façon surprenante. Souvent, un élément épicé vient soutenir une préparation simple (tarte aux pommes, vinaigrette, sauté de lapin) pour la présenter sous un aspect inattendu. Mais le produit de base, le thème du plat, est toujours présent et intact. Dans les recettes qui suivent, seules les épices apportent la note exotique: le savoir-faire est bien français, et les produits de base sont ceux que l'on trouve couramment chez nos commerçants, sur nos marchés ou en grande surface. De même, en ce qui concerne les épices elles-mêmes, il y en a peu qui soient difficiles à trouver. Poivre, noix de muscade, cannelle, girofle, cari, cumin, carvi, vanille, safran, poivre de la Jamaïque sont disponibles partout. Gingembre, anis étoilé, cardamone, coriandre, curcuma, aneth sont à peine moins quotidiens. Quant à la citronnelle, aux feuilles de limetier, au poivre long, à la maniguette, au poivre du Sichuan, à la fève tonka, au garam masala et aux autres mélanges d'épices, la plupart s'achètent dans les supermarchés asiatiques (indiens, chinois, etc.) qui s'installent en nombre croissant. De plus, je propose souvent des aromates de substitution pour le cas où vous ne trouveriez pas ceux que je préconise en premier lieu.
Comment accompagner ces plats ? Une idée reçue veut que les épices soient difficiles à accorder avec les vins. Ce n'est pas si simple ! Les Chinois pour ne citer qu'eux, ont toujours apprécié les vins de raisin d'Asie Centrale avec leur cuisine fortement aromatisée. Il est inutile de se cantonner à la bière ou au sempiternel rosé de Provence comme pis-aller avec les saveurs exotiques. Rouge ou blanc ? Ce qui importe, c'est que le bouquet du vin complète les accents des épices, leur soit complémentaire sans forcément leur ressembler. Les arômes doivent être complexes, et le vin, surtout en blanc, doit avoir une composante charpentée, miellée, aromatique. Le vin mœlleux, sans excés de gras, est le bienvenu. Il doit être doué de caractère afin de jouer sa part de la symphonie épicée. Parmi les vins de Loire (que j'affectionne particulièrement de par mes origines), j'aime les Vouvrays, les Savennières, les blancs d'Anjou ; les Alsaces (gewurztramminer bien sûr, mais aussi Tokay, Riesling, etc.) sont précieux, ainsi que les vins du Sud-Ouest, de la basse vallée du Rhône et du Midi, souvent en parfaite harmonie avec les saveurs épicées.






 

 

       
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